Jean COMBETTE, une flamme s’est éteinte
Le général de corps d’armée Jean COMBETTE nous a quittés samedi 10 octobre 2015. Grand croix de la Légion d’honneur, grand croix dans l’ordre national du Mérite, il a tenu pendant 10 ans la présidence de notre association jusqu’en 2009. Ses obsèques ont eu lieu vendredi 16 octobre 2015 à 10h30, en l’église Saint-Louis-des-Invalides, cathédrale des soldats. Les honneurs militaires lui ont été rendus à l’issue de la cérémonie religieuse.
Voici son éloge funèbre, prononcé par le général d’armée DARY :
Aujourd’hui, une flamme s’est éteinte ! Aujourd’hui, une flamme qui était apparu, voici quelque 90 ans, c’est-à-dire peu de temps après la grande Flamme qui brûle depuis sous l’Arc de Triomphe, cette petite flamme a fini de se consumer. Et tous, nous sommes ici rassemblés pour lui adresser un dernier adieu. Général Jean COMBETTE, mon ancien et mon ami, c’est vous que nous pleurons ! C’est votre flamme que nous regrettons !
Vous êtes né au lendemain de la Grande Guerre, et dès votre plus jeune âge, vous avez été imprégné des souvenirs de cette Guerre, puisque votre propre père était grand invalide de guerre. Vous êtes né et vous avez grandi dans un pays qui se remettait difficilement des sacrifices immenses consentis pour arracher la victoire ! Vous avez grandi et vous avez été marqué par tous ces noms gravés sur les monuments aux morts de nos villes et de nos villages, comme par cette tombe unique au pied de l’Arc, qui veut tous les rappeler de crainte d’en oublier un seul !
C’est pour cela qu’à votre adolescence, au plus profond de vous-même, vous ressentez l’occupation allemande comme un traumatisme et surtout une humiliation ; c’est pour cela que dès que vous le pouvez, vous rejoignez les FFI, pour participer, à votre niveau, à la « flamme de la Résistance », celle qui ne devait pas s’éteindre. Cette période vous marque, car vous découvrez la réalité de la guerre, vous y côtoyez la mort, vous y êtes même cité au combat. C’est aussi pour cela, que vous écrirez plus tard « j’avais 18 ans en 44 » à l’intention des jeunes générations, toujours dans ce souci que la flamme, celle qui vous a poussé à vous engager, ne meure pas et serve d’exemple aux générations futures.
Après avoir participé à la chute du nazisme comme chef de char, vous choisissez d’embrasser la carrière des armes et vous devenez officier ; à l’issue de vos années de formation, vous rejoignez l’Indochine, où, à la tête d’un peloton puis d’un escadron, vous faîtes partie de cette génération de jeunes officiers, choyés par le général de Lattre, puisque vous étiez alors, comme il le dira lui-même, « les sentinelles avancée du monde libre », face à une autre idéologie, le marxisme ! Vous y serez cité à 4 reprises et même décoré de la Légion d’Honneur !
A votre retour, vous allez être engagé aussitôt en Algérie pour faire face à une autre forme d’aliénation de l’homme, le terrorisme. A la tête de votre unité, votre courage et votre engagement seront récompensés par 5 citations dont trois à l’ordre de l’armée et le grade d’officier de la Légion d’Honneur. Comme beaucoup de vos camarades, vous rentrerez en métropole le cœur meurtri, meurtri par tant de frères d’armes, disparus au combat pour une cause devenue incertaine au fil des ans, meurtri par les engagements pris et les promesses non tenues, meurtri pour les populations abandonnées et meurtri par tant d’ardeurs et de générosités perdues ! Mais le service des armes du pays est exigeant, car une fois passé le temps des grandeurs, vient souvent celui des servitudes.
Après presque vingt ans de combat, vous prenez quand même le temps de fonder une famille et de votre union avec Janine naitront vos deux filles. Puis, comme officier supérieur, et comme général, vous allez découvrir un autre type de guerre, la Guerre Froide. Vous allez appartenir à cette générations, qui va monter la garde face au Pacte de Varsovie ! Mais ce combat ne sera pas facile à conduire, car à cette époque, alors que vous étiez à la tête du 1er Régiment de Hussards Parachutistes, l’heure était difficile pour les soldats français et surtout pour leurs cadres : l’appel des cents, les comités de soldats, la contestation du service militaire furent autant de luttes intérieures, qui firent dire un jour au chef des armées de l’époque : « Si les pacifistes sont à l’Ouest, les SS.20 sont à l’Est ! » Et pourtant, comme tous vos frères d’armes, vous avez tenu bon, que ce soit dans le secteur français de Berlin, à la tête d’une brigade mécanisée ou comme commandant votre division blindée ! Vous avez tenu bon, car vous serez de cette génération qui a gagné la Guerre Froide, et de la plus belle manière qui soit, sans avoir à tirer un coup de canon ! Vous avez tenu bon, car, en France, vous avez gagné aussi la bataille de l’opinion publique, ce qui a permis aux générations qui suivent d’appartenir désormais à une armée respectée, admirée et même enviée par beaucoup.
Au moment où vous quittez le service, en 1987, votre soif de servir est toujours intacte et votre désir est toujours grand de vouloir transmettre votre flamme intérieure ! C’est pour cette raison que vous vous portez volontaire pour devenir le Président de la Flamme sous l’Arc de Triomphe, fonction que vous occuperez durant 10 années. A ce poste, vous allez profondément faire évoluer l’organisation du comité et, surtout, vous allez ouvrir les cérémonies quotidiennes, non plus aux seules associations d’anciens combattants, mais à l’ensemble de la Nation française ; vous lui ferez même changer de nom, en la rebaptisant « la Flamme de la Nation » ! Et depuis, nous ne comptons plus le nombre d’écoles, de classes ou d’étudiants, d’élus ou de conseils municipaux, de clubs sportifs ou culturels, d’associations françaises ou étrangères, de services publics ou privés, qui, sous l’œil des médias ou de façon anonyme, viennent, chaque soir à 18h30, pour simplement « raviver la Flamme » !
Puis, en 2009, un peu à regret, il vous a fallu quitter cette présidence. Mais comme le rappelle une vieille chanson de l’armée américaine, « les vieux soldats ne meurent jamais, ils s’effacent simplement dans le lointain ! » Aussi, bien que n’étant plus en charge de responsabilité, nous vous verrons encore régulièrement, venir raviver la Flamme, participer aux veillées du 11 novembre, partager un déjeuner avec vos anciens compagnons, les commissaires à la Flamme, et entonner le « chant du Départ » ! Le 8 mai dernier, vous étiez encore parmi nous, et vous avez même rappelé au chef de l’Etat, qui présidait la cérémonie du 70ème anniversaire de la victoire, que 70 ans auparavant, vous étiez déjà à l’Arc….
Et puis, dimanche dernier, fatigué par le poids des ans et des blessures, usé par les campagnes endurées par votre vieille carcasse, arrivé au terme de votre parcours sur terre, à l’heure où le soir monte et les ombres s’allongent, vous nous avez quittés en silence, pour rejoindre tous vos compagnons d’armes au Panthéon des soldats. Mais comme vous étiez un preux et un homme de foi, vous avez plus sûrement rejoint le paradis des combattants et vous allez désormais côtoyés tous les saints que vous avez servis, respectés et même vénérés, Saint-Georges, patron des cavaliers, Saint-Michel patron des parachutistes, Sainte-Geneviève, patronne de Paris et puis Jeanne, patronne de la France !
Alors que nous vous rendons ce dernier hommage, Jean, mon ami et mon frère, notre chef et notre camarade, nous nous engageons à poursuivre le chemin que vous avez tracé et à maintenir ce flambeau, ou plutôt cette « Flamme ».
Oui, nous continuerons à être ces « veilleurs de la Flamme », nous ces hommes et ces femmes qui tous les soirs au cœur de Paris, dans l’anonymat et la grisaille, dans le bruit de la circulation et le désordre des embouteillages, mettent leur honneur et leur fierté à être présents pour entretenir, raviver et faire brûler « La Flamme ».
Oui, nous continuerons à être ces « serviteurs de l’inutile », nous ces citoyens bénévoles qui restons fiers d’être présents au cœur de Paris, et de savoir donner notre temps, en dépit d’un monde, où chaque heure est comptée et où rien n’est gratuit, un monde de rentabilité et de profit, un monde matérialiste et cynique, qui met un prix sur chaque chose, mais ne reconnait la valeur de rien !
Oui, nous continuerons à êtres ces « sentinelles de l’invisible », ces simples Français, qui, au cœur de notre pays, dans ce lieu à la fois, unique et magnifique, magique et symbolique, mythique et même mystique, rappellent à ceux qui passent, comme à ceux qui les ignorent, qu’un pays ne peut se résumer à une somme de chiffres ou de statistiques, et qu’au-delà des enjeux économiques ou sociaux, près d’un million et demi de Français ont sacrifié leur jeunesse voici 100 ans, pour défendre chaque arpent de terre, chaque village et chaque rivière et que d’autres aujourd’hui continuent de risquer leur vie pour que vive la France !
Oui, Jean, nous continuerons à veiller sur cette Flamme, car elle restera pour toujours « la Flamme de la Nation » !
G.A. (2S) Bruno DARY
Président de la Flamme
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